Miroir, miroir qui est la plus patiente

Par lundi 13 janvier 2020 4470

Après quelques semaines, me revoilà avec la suite de mon article (que vous pouvez retrouver juste ici). Pour vous rafraîchir la mémoire, j’y parlais du racisme bienveillant, racisme qui se veut bien plus subtile, plus léger que le racisme dit frontal,  mais qui, à la longue, à tendance à fatiguer les personnes qui le vivent au quotidien.

Quoi de mieux, pour faire passer le message, que des exemples concrets de jeunes femmes qui subissent ce type de racisme au quotidien.

C’est ainsi, munie de mon téléphone, que j’ai contacté mes amies musulmanes (voilées ou non) pour leur demander de me conter leurs anecdotes. Je ne souhaitais pas raconter que mes récits, car au fond ce qui est beau c’est de voir qu’à travers les cantons et même parfois les pays, nous vivons, à quelques choses prêts, les mêmes mésaventures !

Alors je vais profiter de dédier cet article à mes ‘’Sistas de galère’’, sans qui cet article n’aurait pas vu le jour et n’aurait pas été aussi fourni!
J’ai eu énormément de plaisir à écrire cet article, qui m’a fait rire mais qui m’a également donné envie de casser une chaise sur la tête d’une personne (je suis contre la violence mais peut-être que cela permettra à quelques personnes de reconnecter leurs neurones et éviter les remarques idiotes). En tout cas les filles, M-E-R-C-I !

 

1.

« Mais… vous n’êtes pas marié et vous portez tout de même le voile ? Alors c’est votre père qui vous l’a imposé. » 

Ma sœur était juste à côté avec sa longue chevelure à l’air libre.

« Ah non c’est vraiment un choix ?? »

Me répondit-elle d’une voix très aiguë

A.

 

2.

« Un camarade de classe est venu me poser la question sur la petite boule que j’avais sous mon voile. Taquine, je lui ai répondu que mon cerveau n’avait pas assez de place dans ma boîte crânienne et qu’il ressortait. Quelques jours après, une amie est venue me dire qu’il fallait que je rediscute avec ce fameux camarade, car il racontait à tout le monde ma ‘’tragédie’’ et donc que je devais lui expliquer que je blaguais et que c’était juste mon chignon et que je n’avais pas de cerveau mal placé et que j’allais très bien ! Breaking news : j’ai des cheveux sous ce voile ! » O.

 

3.

« Mais vous n’avez pas trop chaud franchement ? Je me demande comment vous faites avec tout ça (en me montrant mon voile) » A.

 

 

4.

« Waouh ! Vous êtes une femme, noire et voilée ! Qu’est-ce que j’aimerais pas être à votre place » S.

 

 

5.

« Mon conseiller ORP m’a dit ‘’Oh dans tous les cas vous savez que je préfère DE LOIN recevoir une femme voilée en entretien plutôt que certains phénomènes qui me viennent parfois ! Oh si vous saviez !’’ » E.

 

6.

« Oh mais vous parlez bien le français, c’est sûrement parce que la Tunisie est une ancienne colonie française.

-       Oui ou peut être parce que je suis née en Suisse et que j’ai vécu toute ma vie à Neuchâtel » N.

 

7.

           

« Je parle couramment le français, l’anglais, l’allemand, l’arabe, l’espagnol et je suis en train d’apprendre le russe… mais ma conseillère ORP continue sans cesse de me demander si j’ai besoin d’un interprète pour nos entretiens. Tant mieux que je ne la vois pas souvent » M.

 

 

8.

« J’étais en plein débat avec une « féministe » 2.0 et cette dernière m’affirme qu’elle est pour la liberté de la femme, et que les femmes devraient pouvoir faire ce que bon leur semble sans limite, etc. etc. Même pas 5 minutes après avoir tenu ces propos, elle m’annonce qu’elle est contre le voile et que je devrais l’enlever pour m’intégrer à la société. D’accord Madame !

 

 

9.

« Mais vous parlez bien français, on aurait pas pensé » A.

 

 

10.

« Je préfère mourir que de porter votre voile.

-       D’accord Madame, mais personne ne vous force vous êtes libre (j’ai pas eu le temps de finir mon raisonnement qu’elle m’a coupée)

-       Non mais je vous dis que je préfère mourir !! » L.

 

 

O.

L’insouciance, voici ce qui me rend nostalgique lorsque je repense à mon enfance. Il était si facile de se faire des amis, il n’y avait aucun code, aucune "cérémonie" à respecter, juste un "tu veux jouer avec nous ?" ou un "je peux jouer ?". Rien n’était compliqué, tout était simple : j’aime ou je n’aime pas. Pas d’entre deux et pas de zones d’ombres. Il était facile de cerner les situations, sans user de la langue de bois. Tout était si simple. Si je pouvais retourner en arrière, je souhaiterais revivre cette période où je parlais mon propre langage : une langue inventée avec mes sœurs, qui n’avait aucun sens mais qui nous faisais sentir spéciales. Donc aujourd’hui, du haut de mes 25 ans, je rêverais de retourner à cette époque où mon insouciance me permettait de vivre de grandes aventures et où mon imagination vagabondait sans retenue. Le temps d’une conversation, je reparlerais cette langue farfelue et vivrais cet instant sans me soucier de ce qui se passe autour de moi, pour revivre simplement, dans le bonheur.

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