Il y a être musulman par la foi - ce que j’avais abordé dans un précédent article et qui est le fait de prononcer l’attestation de la foi en en ayant la conviction intime - et pour aller plus loin, il y a être musulman dans la pratique, notion qui varie d’une personne à l’autre selon ce qu’elle y inclut (appliquer des principes, respecter des interdits, les 5 piliers, etc.).
Je ne vais pas me perdre à analyser les mises en pratique possible de l’islam selon chacun, je vais plutôt vous partager ce qui fait que je me définis comme étant une musulmane pratiquante.
Il y a la théorie…
Ma pratique la plus visible est sans doute la prière qui fait partie des 5 piliers de l’islam. Il y en a 5 qui rythment la journée, entraînent la discipline, la concentration et qui demandent de l’organisation. Elles demandent toutes de se trouver en état de pureté - c’est-à-dire qu’il faut se laver avec de l’eau les parties intimes, les mains, la bouche, le nez, le visage, les bras, les cheveux (en y passant ses mains humidifiées au préalable), les oreilles et finalement les pieds - et de maîtriser quelques « surates » (parties) du Coran, à savoir la première qui est assez courte (Fatiha) et une autre à choix, qui seront récitées durant la prière. Elles sont assez courtes (je dirais environ 5 minutes) mais peuvent durer davantage selon la surate que l’on récite.
Les horaires varient chaque jour en fonction de l’avancée du soleil mais correspondent à des moments de la journée : aube, zénith du soleil, après-midi, coucher du soleil, nuit et leur mise en application peut être facilitée selon certains critères: maladie, femme enceinte, après l’accouchement, durant les menstruations, lors d’un voyage, etc.
Et il y a la pratique…
On m’a appris la prière d’une manière très stricte où la gestuelle est primordiale, dès mon enfance. Depuis, je l’ai fait de manière automatique, davantage poussée par la peur ou par la recherche d’une appréciation positive qu’autre chose. Je n’y trouvais ni réconfort, ni sens, ni concentration… juste un poids et une obligation désagréables. Il m’est arrivé de l’apprécier à certains moments (étrangement lorsque je le décidais et qu’il n’y avait personne pour m’observer ou me rappeler de le faire) durant lesquels je vivais une véritable révélation qui se trouvait être un instant de quiétude pure et de connexion avec mon Créateur ainsi que d’une conscience d’être profonde. C’est un sentiment difficile à décrire, mais je pense qu’il peut faire écho à qui s’essaye à la méditation.
Au fil des années, cet automatisme et cette forme d’éducation me dérangeaient de plus en plus. Pourquoi insister autant à propos des prières surérogatoires alors que je n’arrivais même pas à faire les 5 obligatoires ? Pourquoi insister sur des détails, tel que le nombre de fois qu’il faut se passer de l’eau sur les pieds ou sur le fait de croiser les mains sur la poitrine ou sur le ventre à certains moment de la prière, alors que le plus important – à savoir la concentration et la connexion avec Dieu – n’était pas acquis, ni même abordé ? Personne ne m’a jamais donné de conseils pour me concentrer, ni m’a expliqué que prier c’est nourrir l’âme, je l’ai lu par moi-même dans un livre. Pourtant, des musulmans que je ne connais même pas se sont sentis dans l’obligation de me corriger sur ma position lorsque je priais.
Mon apprentissage de la prière est trop entaché de mauvais souvenirs et d’amertume, ce qui fait qu’aujourd’hui j’ai de la peine à prier alors que je suis convaincue que ça fait partie intégrante d’une foi entretenue et que c’est une preuve de l’amour que l’on porte à Dieu. C’est plus facile de dire « je crois » que de faire ce qu’il faut pour le montrer à Dieu. J’espère un jour réussir à prendre du recul et à faire ce que je veux pour moi, pour Dieu, pour ce en quoi je crois.
Le rappel
Le dikr ou littéralement « rappel » est une activité que j’affectionne tout particulièrement et qui fait partie intégrante de ma pratique. En arabe, il existe certains mots qui portent en eux tout un sens : « astaghfiroullah» qui signifie approximativement « pardonne moi mon Dieu », « La ilaha illa Allah» qui glorifie Dieu et son unicité. J’utilise ces mots à certains moments de la journée en les répétant à de nombreuses reprises, pour me rappeler de Dieu, lui demander pardon pour certains actes, lui partager mon amour. Ces mots m’apaisent et me donnent de la force : avant un examen, face à une mauvaise nouvelle, dans un moment de tristesse ou de colère mais j’aime également les prononcer lorsque je me sens bien et heureuse, comme preuve que même dans les bons moments, Il est dans mon cœur. Ces mots me rappellent que la vie sur terre n’est que passagère, que la roue tourne tôt ou tard mais aussi de ne pas oublier d’être reconnaissante pour ce que j’ai, que ça soit de l’amour que je reçois, du succès que je vis ou du fait d’être en bonne santé…
En soit c’est une autre forme de prière, mais plus intime, plus sincère, plus spontanée.
Pédagogie
Je pense qu’il y a une profonde réflexion à faire quant à l’apprentissage de la religion aux enfants. Comment transmettre ses valeurs, sa foi et ses convictions à ses enfants tout en respectant l’individualité de chacun ? Jusqu’où puis-je aller pour donner à mon enfant des outils et un fil rouge à suivre pour faire son cheminement dans la vie tout en le laissant poursuivre ses propres objectifs, passions et faire ses propres découvertes ?
Ce n’est jamais facile de confronter son système de croyances à celui des autres, et ça l’est encore moins quand il s’agit de personne au sein de sa propre famille. Mais je pense qu’un parent qui ne se remet pas assez en question sur sa manière de se comporter au quotidien, d’aborder la religion ou qui ne cherche pas à développer ses compétences pédagogiques pour trouver des méthodes d’éducation efficaces et adaptées, risque de se confronter à des enfants qui rejetteront complètement les valeurs qu’il avait à cœur de lui transmettre – en plus de conduire à de la rancune, voire de la haine, ou pire, à une « schizophrénie » du comportement ; l’enfant ne saurant plus concilier ce qu’il aimerait être et ce que ses parents aimeraient qu’il soit.
Personnellement, j’aurais à cœur de transmettre ma foi à mes enfants. Mais je pense que jusqu’à l’adolescence, j’insisterais davantage sur les valeurs, leur importance et leur mise en pratique (respect, partage, douceur, politesse etc.) ainsi que sur la compréhension de la religion (histoire, pilier, rapport à Dieu) en me focalisant toujours sur l’essentiel. Pour ce qui est de la pratique, j’essaierais davantage d’être un modèle, en montrant par exemple que je prie, que c’est important pour moi, que ça m’apaise et que ça me rend meilleur. Marquer les moments de pratique par des souvenirs positifs aura, j’en suis convaincue, davantage de répercussions, en apportant de la sérénité à long terme à l’enfant. Tandis qu’à l’adolescence, j’insisterais davantage sur la pratique, mais toujours en donnant du sens, en accompagnant et jamais en obligeant. Ça ne sert à rien si le cœur n’y est pas.