Mon rapport au féminisme est quelque peu biaisé. Je ne m’assimile pas forcément aux mouvements tels que je les perçois en Occident, car je les trouve souvent trop exclusifs. J’ai souvent cette impression que d’une part, il faut correspondre à un certain type de femme pour être considéré comme féministe et d’autre part, qu’il s’agit d’un affrontement entre femmes et hommes.
Si je devais donner ma définition du féminisme, je dirais qu’il implique de permettre aux femmes de choisir leur mode de vie quel qu’il soit, d’être maître de leur sexualité et de leur corps. Malheureusement, j’ai le sentiment que ces combats sont tellement féminisés que les hommes ne se sentent pas forcement concernés.
Quête de liberté
Qu’une femme veuille être femme au foyer ou suivre une grande carrière politique, qu’elle veuille des enfants ou n’en veuille pas, qu’elle veuille porter un foulard ou un mini short, s’épiler ou non, porter un soutien-gorge ou non, utiliser des bandes hygiéniques ou une cup, je pense qu’il y aura déjà une grande évolution lorsque les femmes arrêteront de se juger entre elles, de se jeter des pierres et qu’au lieu de se critiquer, on commence par accepter que pour chacune, faire face aux aléas de la vie est loin d’être chose facile. Le respect manque cruellement dans les débats et ce n’est que lorsqu’il aura fait son retour que l’on pourra enfin discuter sereinement, chercher des solutions et comprendre qu’on n’a pas toujours besoin de comprendre ou d’être d’accord pour respecter. On a toutes nos fardeaux, notre vécus et nos peurs à porter.
Limites
Certes, la sécurité, l’intégrité physique et psychique restent primordiales et prioritaires. Par exemple, dans le cas d’une femme qui s’engage dans un mariage en raison de pressions familiales, on ne pourra pas vraiment parler de respecter son choix. Mais il n’empêche que des jugements négatifs ne sont jamais très efficaces. De la sensibilisation, des formations et une prise en charge adaptée par des professionnels ont bien plus d’impact. Mais les gens aiment davantage critiquer certaines situations et partager le choc qu’ils ressentent à qui voudra bien l’entendre sans chercher à réellement changer les choses… « Il est plus facile de critiquer les défauts des hommes que de les leur faire abandonner »[i].
Quelle direction ?
Faire avancer la cause des femmes n’est pas chose évidente que ça soit au niveau des salaires, du harcèlement, des tenues vestimentaires, de la sexualité, de la discrimination au niveau du travail. Mais je pense que nous nous trompons de voie. Je pense que la manière dont nous revendiquons nos droits ne porte pas de fruits car : soit assez d’hommes ne se sentent pas concernés, soit certaines femmes sont exclues du discours. Je pense qu’il serait plus pertinent de revendiquer les droits de tous les individus de manière globale. Par exemple dans le cadre du travail, il faudrait se battre pour que ça soit uniquement les compétences qui soient décisives et non le sexe, la race ou l’âge. Il faudrait réunir les combats de manière à interpeller davantage de personne car comme on dit souvent: « l’union fait la force ».
Je peux me tromper et certainement que mon avis sur la question évoluera tout au long de ma vie, car je suis loin d’être inconsciente des difficultés que rencontrent les femmes à travers le monde : (excisions, salaires, mariage forcé, viol, harcèlement, pressions) face auxquels je me sens totalement impuissante. Mais je suis convaincue qu’il manque de la bienveillance et de l’humilité dans les attitudes des femmes les unes envers les autres.
[i]Pierre-Jules Stahl, Les pensées et réflexions diverses